Trop accuser les autres (ou trop s’accuser soi) c’est aussi dû à une exagération de l’étendue de notre liberté. Accuser c’est tenir responsable et la responsabilité ne peut aller sans la liberté. Ce raisonnement, qui est au fondement de nos sociétés et de nos systèmes juridiques et moraux, se base sur un présupposé : la liberté humaine existe. Or, comme tout présupposé, cette affirmation n’est pas démontrée (ni, peut-être même, démontrable). Nous devrions prendre cela en compte quand nous jugeons les actions des humains. Et si la liberté n’existait pas ou du moins n’était pas si étendue que nous aimerions le croire ? Il y a une infinité d’influences à la base de nos actions et de nos pensées. Il serait très réducteur de penser que la liberté est totale ou qu’elle est le fondement de notre comportement. Peut-être qu’elle ne représente qu’une infime partie de celui-ci.
Ainsi, avoir conscience que la liberté n’est pas un fait scientifique mais une hypothèse philosophique doit nous amener à analyser les actions humaines avec moins de rigidité et de dureté. Pourtant, toute hypothétique qu’elle soit, il vaut mieux considérer la liberté comme possible plutôt que de la déclarer inexistante et ruiner ainsi toute responsabilité car cela entraînerait peut-être plus de mal et d’injustice que son contraire. Si la liberté n’existe pas, on juge et sanctionne de manière injustifiée. Mais si on abolit toute responsabilité nous risquons une déferlante d’actions nuisibles à l’ensemble de la société et du monde.
Il faut donc gager que la liberté existe mais sans la considérer comme un fait scientifique.