Farid, le Français le plus cohérent

Vous vous rappelez de Farid Ghilas, cet homme qui, pour « s’amuser », a jeté un chat contre un mur. Son acte, filmé par un complice, a provoqué une indignation légitime qui, si on met de côté son racisme (si Farid avait été un blanc bourgeois de Neuilly, cela n’aurait pas provoqué autant de remous…) et son hypocrisie, a été bien normale. Pourquoi hypocrisie ? Qu’a fait Farid ? Il a fait ce qu’il avait envie, et il a fait cela pour son plaisir personnel, sans aucune nécessité vitale. Il a agressé un animal innocent sans aucune justification autre que son envie. Et c’est en quoi cet acte est cohérent avec la vie de Farid dans l’ensemble. Car que doit faire Farid dans l’ensemble ? Il doit acheter du cuir, des produits testés sur les animaux, il doit manger de la viande ou du lait et peut-être assister à des courses de chevaux. Toutes ces choses il les fait pour son plaisir, par envie. Et la conséquence de son plaisir c’est des centaines d’animaux torturés ET tués rien que pour lui. La question est : si Farid, pour son plaisir, fait torturer et tuer des vaches, des poulets, des chevaux… pourquoi n’aurait-il pas le droit de torturer lui-même un chaton ? Alors, en torturant ce chaton Farid est resté cohérent avec l’ensemble de ses actes. Contrairement aux centaines de milliers de gens qui se sont indignés pour le chaton tout en oubliant qu’eux mêmes, pour leur plaisir, faisaient tuer plein d’autres animaux. Ces gens-là sont incohérents car ils pleurent pour un chaton et font tuer d’autres animaux innocents. Mais Farid, lui, est cohérent car il fait du mal ET au chaton, ET aux poulets, ET aux vaches et ainsi de suite. Au lieu de le critiquer, donc, soit on prend exemple sur lui et on devient cohérent dans la nuisance soit on fait le contraire et on est vraiment cohérent dans la bienveillance, c’est à dire qu’on ne pleure pas pour en chaton en croquant dans un poulet…

 

Les bergers malades du loup – analyse d’une émission spéciste

 

http://www.franceinter.fr/emission-interception-les-bergers-malades-du-loup

 

Mon but n’est pas d’accabler ces personnes qui sont, de tout évidence, dans une grande souffrance. Je veux juste pointer certaines incohérences.

Les propos tenus dans cette émission sont spécistes. Le spécisme c’est une idéologie qui affirme que les êtres humains sont supérieurs aux autres animaux et qui se traduit dans le comportement (exploitation, meurtre) ou dans le langage (on n’utilise pas les mêmes termes quand on parle des humains ou des autres animaux : par exemple on dit qu’un humain fait l’amour par plaisir, alors qu’un autre animal fait l’amour par instinct ou par besoin ; ou bien on qu’une femme accouche alors qu’une vache « met bas »). Pour une définition plus détaillée, voir ici : https://mouvementvegan.wordpress.com/2012/02/27/definition-de-quelques-termes-de-la-cause-animale/

Remarque générale : les chiens qu’on entend ce sont forcément des chiens qui n’ont pas choisi leur sort, dont on se sert et que l’on met en danger (ce sont eux qui sont censés attaquer les loups).

Min 1 : « Ces «éleveurs et ces bergers sont les premières victimes du loup ». Non, les premières et les vraies victimes du loup sont les brebis, qui risquent leur vie. Mais ces brebis sont d’abord les victimes des humains, qui tuent bien plus de brebis en une journée que tous les loups en un an…

Min 4 : « Ça nous a coûté trois brebis et cinq agneaux quoi. Que des brebis pleines avec des agneaux dans le ventre… ». On a affaire ici au langage : on dit que la brebis est « pleine » alors qu’on ne dit pas vraiment ça d’une femme. La brebis est enceinte, tout comme une femme, puisque biologiquement, elle porte son bébé dans son ventre. Ainsi, on utilise un autre langage pour faire croire que le fait n’est pas le même alors que rien ne justifie, biologiquement parlant, cette différence de langage.

Min 8 : « Quand t’as une brebis qui est au tapis ce n’est pas un billet de 100 euros qui est par terre, quoi, c’est une brebis avec son historique… ». Déjà, comparer la brebis à un billet de banque, même pour dire qu’elle n’est pas que ça, est purement et simplement spéciste : cet être est d’abord considéré comme une marchandise. Ensuite, le terme « historique » est peut-être mal choisi, mais on ne dit jamais d’un humain « avec son historique » (sauf pour les crimes ou les problèmes qu’il pose, parlant là de ses actes passés) mais avec son « histoire » : les animaux, les brebis ont une histoire car ils ont une mémoire et une place unique dans leur groupe. Le propre du spécisme c’est de nier la dimension historique (pour le coup) des autres espèces animales. Les animaux aussi ont une histoire et leurs espèces connaissent des évolutions.

Min 11 : « [les bêtes] pour moi c’est comme si c’était mes enfants, les bêtes pour nous c’est des choses qui sont, qui sont, qu’on y est attaché, on soigne ça comme nos enfants quoi ». Je ne pense pas que la personne qui dit ça vende ses enfants à des abattoirs pour qu’ils finissent découpés en morceaux sur des étalages… Cette personne ne prend pas la mesure de ses propos. Ensuite elle dit « c’est des choses »… On n’entendra jamais quelqu’un sain d’esprit dire « pour moi, mes enfants c’est des choses qui sont, qu’on y est attaché… ». Les enfants n’ont pas de prix, les brebis, si ! Donc elles sont traitées d’abord comme des marchandises et leur volonté ne compte pour rien car les humains décident de leur destin. Ce n’est pas cela le respect.

Min 16 : « leur outil de travail a été détruit ». La journaliste parle ainsi des brebis… Cela en dit long sur l’idée que cette personne se fait des brebis. On ne dirait jamais ça d’un professeur dont les élèves ont été pris en otage et tués… Encore une fois, les brebis ne sont que des instruments à la disposition de la volonté et des besoins des humains.

Il serait donc judicieux que ceux qui écoutent cela mais surtout ceux qui font profession réfléchissent sérieusement à leur cohérence et au respect que nous devons aux brebis (et aux autres animaux). Ces gens se plaignent du loup, mais font-ils mieux ? Sont-ils là pour protéger les brebis ou bien pour mieux les tuer ? Si les loups tuent, c’est surtout parce qu’ils n’ont pas le choix. Ce n’est pas le cas pour les humains, qui peuvent choisir une autre vie que celle faite d’exploitation et de meurtre. Les belles paroles ne suffisent pas. Il ne suffit pas de dire qu’on les soigne « comme » si elles étaient nos enfants, alors qu’on les envoie à la mort pour quelques dizaines d’euros… pour justement nourrir nos enfants… Cohérence, cohérence ! Nous, on aime nos enfants, les brebis aussi, les autres animaux aussi. Laissons-les vivre.

Nous sommes tous des Jan Fabre (en pire)

Vous avez sûrement entendu parler de cet artiste (je ne mets pas de guillemets car je n’ai pas les compétences pour juger de son talent), Jan Fabre et de son fameux « Lancer de chats ». Beaucoup de personnes se sont indignées à juste titre que l’on puisse, au nom de l’art, maltraiter des animaux innocents. L’artiste a même été agressé et a reçu beaucoup de menaces, à tel point qu’il est placé sous protection policière. Je n’approuve pas l’agression et les menaces. Mais elles montrent une chose : la sensibilité des citoyens quant au sort réservé aux animaux, les chats en l’occurrence. Cette sensibilité, cette attention portées à des êtres sans défense sont tout à l’honneur de ceux qui les ressentent. Il est absolument inadmissible de faire du mal à un être de manière intéressée et gratuite. Que l’excuse soit financière, artistique, religieuse ou je ne sais quoi d’autre, les citoyens ont bien raison de ne pas accepter que la folie et l’indifférence des uns soient payées par le malheur des autres…

Pourtant, je voudrais attirer votre attention sur un point fondamental. Il y a ce que Gary Francione a appelé une « schizophrénie morale ». Qu’est-ce à dire ? C’est cette tendance qu’a la plupart des citoyens de s’indigner de la maltraitance subie par certains animaux (chiens, chats, chevaux, bébés phoques, éléphants…) tout en soutenant une maltraitance institutionnalisée (toutes les industries qui s’enrichissent en exploitant les animaux). En pratique, c’est être horrifié par le « lancer de chats » de Jan Fabre tout en mâchant un bout de steak de vache. La schizophrénie morale est cette tendance à considérer, d’un côté, certains animaux comme « nobles » et devant être défendus et respectés et, d’un autre côté, certains autres animaux comme destinés à être exploités et tués. Il est normal de respecter un chat mais il est tout aussi normal de manger une vache. Il y a une scission morale dans la vision que nous nous faisons des animaux. Qu’est-ce qui justifie ce parti-pris ? Rien à part notre intérêt personnel et la culture que nous subissons et créons.

Alors, chers amis indignés par le « lancer de chat », n’oubliez pas que vous financez (c’est à dire que vous payez des gens pour faire le sale boulot à votre place) une industrie qui broie plus d’un milliard d’animaux par an, et cela rien qu’en France. Quelle différence y a-t-il entre vous, qui payez les professionnels de la viande, du cuir, du lait, des œufs (entre autres) et Jan Fabre qui paie des gens pour lancer les chats en l’air ? Nous c’est pour manger ou pour s’habiller, me direz-vous, en affirmant par cela que ce que vous faites est nécessaire alors que ce que fait Jan Fabre est inutile et gratuit. Mais vous savez bien que l’on peut vivre (et même mieux vivre) sans manger des substances animales. On peut, de même, vivre sans cuir ou sans cirques avec des animaux. Alors, si on peut vivre sans tout cela et que vous continuez malgré tout à payer des gens pour qu’ils tuent des animaux, vous payez une violence et une mort gratuites au nom de votre palais gustatif, de votre aspect vestimentaire ou de vos loisirs. Jan Fabre paie au nom de l’art. Entre l’art et la basique pulsion de se nourrir, je crois que l’art est plus noble, au fond.

Nous avons raison de nous opposer à ce que Jan Fabre a fait faire. Mais il faut aller plus loin et reconnaître que nous faisons bien pire en finançant les industries qui exploitent et tuent les animaux. Certes, ce que nous faisons faire n’est pas filmé ou n’est pas dans un but de promotion personnelle (quoique…) mais le résultat est pire car les animaux que les industriels tuent sont maltraités tous les jours de leur existence et finissent dans des lieux sombres qui portent bien leur nom, des abattoirs. Jan Fabre est coupable, mais avec lui nous le sommes tous. Jan Fabre vient d’une société qui accepte tacitement (et encourage directement) l’exploitation et le meurtre de milliards d’animaux qui sont tout aussi innocents et vulnérables que ces pauvres chats lancés en l’air. Ainsi, avant de lancer des accusations en l’air, retournons notre regard critique vers nous-mêmes et voyons s’il n’y a pas là aussi quelque chose à remettre en cause. Allons au bout de notre raisonnement et de notre indignation : si nous refusons une violence gratuite envers des chats, pourquoi l’acceptons-nous envers d’autres animaux ? L’excuse de la culture ne tient pas car cela n’empêche pas les animaux d’avoir mal. L’excuse de la nourriture ne tient pas non plus, car il est prouvé que nous n’avons aucun besoin de substances animales, tout au contraire, elles sont nocives. Alors, quelle serait l’excuse ? Pour quelle raison objective défendons-nous les chats et massacrons les poulets, les vaches, les moutons, les cochons, les grenouilles, les lapins, les chevaux, les poissons  ?

Que nous le voulions ou non, nous sommes tous des Jan Fabre (en pire) et nous ne cesserons de l’être qu’au moment où nous cesserons de financer la destruction systématique des animaux. Nous lançons tous des animaux vers le couloir de la mort. Mettons un frein à cette catastrophe. Ne soyons plus les complices tacites d’un système tortionnaire et criminel. Devenons cohérents avec ce que nous pensons et ressentons.

Les autres animaux ont tout autant le droit à la vie et au respect que les chats. Ni plus, ni moins.

Discriminations et cause animale : la banalisation de l’inacceptable

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La cause animale (au sens large) prend de l’ampleur en France. Il est donc logique que de plus en plus de personnes la rejoignent. En principe, c’est une bonne chose. Mais seulement en principe, car le nombre n’est jamais gage de qualité ou de valeur. En pratique, il se trouve que dans la cause animale il y a des personnes de toutes les sensibilités politiques. Beaucoup de malentendus et de conflits sont donc nés suite à cette diversification des militants. Généralement, ces malentendus et conflits sont dus à une compréhension limitée de ce que sont l’antispécisme ou le véganisme et de ce qu’il faudrait faire pour rendre justice aux animaux autres qu’humains. Je vais donc passer en revue quelques raisons qui freinent le bon déroulement de cette noble lutte et aussi décrire certains concepts pour mieux en saisir les différences et les similitudes. Cela, je l’espère, évitera à certains de s’embourber dans des « débats » sans fin.

  1. La Protection Animale (P.A.)

On appelle généralement «protection animale » un combat qui a pour volonté et pour but de diminuer les souffrances des animaux exploités par les humains. Ainsi, les partisans de la « protection animale » souhaitent que soient interdites toutes les pratiques qui font souffrir « inutilement » les animaux. Il y a, entre autres, la castration à vif, le foie gras, les transports trop longs, la corrida et ainsi de suite. Mais sont tolérés les élevages « respectueux » des animaux et les façons de tuer « humaines ». Sur quelle base ces critères sont décidés, personne ne le sait. Mais, en tout cas, ces critères ne sont pas particulièrement bénéfiques aux animaux puisque ceux-ci peuvent quand même se faire exploiter et tuer. Ainsi, la « protection animale » permet l’exploitation et la mise à mort des animaux mais souhaite que ces actes se fassent avec délicatesse et tendresse…

  1. Le welfarisme (ou le bien-être)

Le « welfarisme » est une théorie qui, appliquée à la cause animale, sonne ainsi : « il faut, pour les animaux et par respect pour eux, des cages plus grandes et des chaînes plus longues ». Le « welfarisme » est ainsi l’idéologie qui est à la base du combat appelé Protection Animale. Pour les welfaristes les animaux sont naturellement à notre service et il est justifié de les exploiter et les tuer, mais non pas de les torturer. Les welfaristes ne souhaitent aucunement la fin de toute exploitation des animaux mais seulement une modification du système de telle sorte que les pratiques supposées les plus cruelles soient réduites ou abolies. Pour le welfarisme, les animaux sont nos esclaves mais nous devons être pour eux des maîtres bienveillants.

  1. L’abolitionnisme

Dans le cadre de la cause animale, est « abolitionniste » une théorie qui affirme que les animaux ne nous appartiennent pas, que nous n’avons aucun droit à les exploiter ou tuer et que, par conséquent, toute pratique portant atteinte à leur intégrité physique ou psychique devrait être abolie. Pour les abolitionnistes, il ne doit y avoir aucune chaîne ni aucune cage et les animaux doivent jouir de la même liberté dont jouissent normalement les humains.

  1. L’antispécisme

Le « spécisme » est une théorie qui affirme qu’il y a des espèces par nature supérieures en valeur morale à d’autres espèces. Généralement, l’espèce humaine est placée en haut de la pyramide des valeurs. Viennent ensuite, pour les occidentaux par exemple, les chiens, les chats, les chevaux, les lapins et ainsi de suite. Plus une espèce est exploitée, plus elle est positionnée bas sur l’échelle des valeurs (étrange paradoxe n’est-ce pas ?). Ainsi, est spéciste non seulement celui qui affirme que les humains ont plus d’importance que les autres animaux, mais aussi celui qui affirme que les chiens sont plus importants que les cochons ou que les chevaux sont plus importants que les poulets. Quelqu’un qui caresse « son » chien tout en plantant sa fourchette dans une chair animale a un comportement spéciste. Donc, l’antispécisme est une théorie qui s’oppose à cette discrimination et à cette hiérarchie. L’antiracisme s’oppose à des discriminations injustifiées parmi les humains et l’antispécisme s’oppose à des discriminations injustifiées parmi les autres animaux ou entre les humains et les autres animaux.

  1. La sentience

Est « sentient » un être qui a des sensations physiques (douleur, soif, faim, froid, plaisir…) et psychologiques (stress, peur, espoir, tristesse, sentiment de solitude, joie, souffrance…). Ainsi, tous les individus animaux doués de sentience seront appelés « êtres sentients ». Ces êtres, de par leur constitution inhérente, ont des intérêts (intérêt à ne pas souffrir par exemple, ou bien intérêt à disposer de leur corps).

  1. Le véganisme

Le « véganisme » est une théorie morale qui affirme que tous les êtres sentients sont égaux en droits fondamentaux (droit à la vie, à la liberté, au bonheur ou au bien-être, au respect de leur intégrité physique et psychique, à ne pas être la propriété de quelqu’un). Originellement, le « véganisme » décrivait le comportement des « végans » c’est à dire des personnes qui boycottaient toute entreprise ou institution qui exploitait ou tuait les animaux autres qu’humains. Il devient de plus en plus évident qu’on ne peut séparer de manière catégorique et logique le monde des animaux humains et celui des animaux autres qu’humains. Les humains sont eux aussi des êtres sentients et, à ce titre, ils méritent que leurs droits soient tout autant respectés que ceux de tous les autres animaux sentients. Il n’y a aucune raison de mettre les humains à part, à moins de vouloir tomber dans le spécisme… Tous les animaux sentients sont différents les uns des autres, mais il n’y a là aucune raison de tracer des frontières arbitraires et discriminatoires. Est donc spéciste aussi celui qui, pour une raison ou pour une autre, placerait une espèce animale autre qu’humaine au dessus de l’espèce humaine. Le véganisme considère les êtres sentients comme des individus à part entière qui doivent être traités à égalité, quelle que soit l’espèce à laquelle ils appartiennent. Puisque tous les individus sentients doivent être traités avec le même respect de leurs droits fondamentaux, il est incontestable que tous les humains sont égaux en droits fondamentaux. L’homophobie, le sexisme, la xénophobie, le racisme et toute autre discrimination arbitraire et injustifiée vont donc à l’encontre du véganisme. On ne peut être véritablement végan si on discrimine intentionnellement des groupes d’êtres sentients et ce, quelles qu’en soient les raisons ou les justifications. Toute discrimination arbitraire et injustifiée dirigée contre un individu sentient est une atteinte au véganisme. Ainsi, toute personne ou association qui se complaît dans une attitude discriminatoire ou bien qui la propage lutte en fait contre le véganisme, qu’elle le veuille ou non.

  1. La politique et la cause animale

Le terme « politique » vient du Grec polis qui signifie « ville ». Ainsi, au sens premier, la politique c’est ce qui concerne la vie dans la ville. Par extension, la politique concerne la vie des citoyens d’un État. La vie des citoyens dans un État est réglée, en principe, par des lois choisies par les représentants du peuple (dans le cas des démocraties). Ces lois concernent tous les aspects de la vie : l’éducation, la culture, la sécurité, le travail, les transports, la santé… Mais elles concernent aussi, et quoi qu’en disent ceux qui « ne sont là que pour les animaux et ne font pas de politique », la vie (et la mort…) des animaux dans l’État. La loi, créée par des représentants du peuple, autorise ou interdit certaines pratiques dont les animaux sont les premières victimes. Elle autorise, par exemple, grâce à une belle entorse, la corrida. Elle autorise aussi les élevages, les abattoirs, l’expérimentation animale et, pour cette dernière, elle l’exige même pour les médicaments. Les animaux vivent donc, du début et jusqu’à la fin de leur pauvre vie sous le joug de la loi humaine. Les militants de la cause animale veulent l’interdiction de la corrida ou de l’expérimentation animale. Cette interdiction n’est-elle pas obligée de se faire par la loi ? La loi n’est-ce pas principalement de la politique ? On le sait bien, tout ce qui n’est pas interdit par la loi, est autorisé. Ainsi, si la loi n’interdit pas la corrida, qui pourra l’interdire ? Il ne faut pas se leurrer… Vouloir changer la condition des animaux c’est aussi vouloir changer les lois qui les oppriment. Écrire une pétition à je ne sais quel ministre ou faire des campagnes du style « En 2012 les taureaux voteront » mais dire, de l’autre côté, que la politique n’est pas notre affaire car nous ne sommes là que pour les animaux c’est, au mieux, de l’ignorance, au pire de la mauvaise foi. La cause animale est politique, que cela plaise ou non.

Et c’est là que le problème s’approfondit. La politique concerne les animaux autres qu’humains mais concerne aussi les animaux humains. Par exemple, la plupart des partis politiques s’occupent de tous les domaines de la vie des citoyens mais aussi des animaux vivant à notre service. Il est ainsi rare qu’un parti politique ne s’occupe que d’une cause, disons, par exemple, que de la culture, que de la sécurité ou que de la cause animale. La plupart des partis ont une vision d’ensemble, plus ou moins cohérente, qui a la prétention d’englober toute la vie en société. Ainsi, cautionner un parti seulement parce que sur un sujet donné il nous semble correct voire très avancé, tout en ignorant le reste de son idéologie peut, au moment venu, se retourner contre nous et contre tous ceux qui n’y sont pour rien. Il y a sûrement dans tous les partis de bonnes idées et des personnes honnêtes. Mais il faut aussi, et principalement, regarder l’ensemble : l’idéologie du parti est-elle acceptable dans l’ensemble ou bien seulement par certains points précis ? Cette idéologie est-celle compatible avec certaines idées du parti qui ne semblent pas coller à l’ensemble ? Pour prendre un exemple très simple, ce n’est pas parce qu’un parti s’oppose au halal qu’il s’intéresse particulièrement aux animaux. Il faut regarder son programme en entier, car, une fois au pouvoir, c’est bien ce programme (normalement) que le parti appliquera. Alors, s’il est contre le halal, mais pour la chasse, la corrida ou la vivisection, contre l’avortement et pour la diminution de la liberté d’expression, pour la diminution des moyens attribués à l’éducation et ainsi de suite, il faut peut-être se poser la question deux fois de savoir s’il est bien de le soutenir. Il y a des partis qui, de manière démagogique, font semblant d’être concernés par un sujet de société qui touche beaucoup de citoyens mais, au fond, ce n’est là qu’une manipulation de plus. Seul l’ensemble compte dans ce cas, on ne choisit pas un parti malgré ses « mauvaises » idées sur tant de sujets juste parce qu’il a une seule bonne idée. Il y a des partis qui ont un projet d’ensemble qui est cohérent et viable, pourquoi ne pas se tourner vers eux ? Et si ces partis n’existent pas, il faut les créer mais non pas faire de si gros compromis avec des partis qui ne sont viables que sur un point ou deux.

Entre les humains et les autres animaux il n’y a qu’une frontière arbitraire. Tous les partis qui sont prêts à opprimer les humains, seront d’autant plus prêts à opprimer les animaux car ce n’est pas là une question d’espèce mais une question de respect de tout être sentient parce qu’il est un être sentient. On ne me fera pas croire que les membres d’un parti prêt à discriminer, chasser et haïr des êtres qui font partie de leur propre espèce se mettront à défendre les cochons, les chiens ou les vaches. Si on n’a aucune sensibilité envers ses congénères, comment pourrait-on en avoir envers des êtres d’une autre espèce ? La haine c’est la haine, et celui qui la ressent ne fait pas vraiment la distinction. Par quel miracle un misanthrope aimerait-il les animaux ? Il y a des gens qui disent aimer les animaux et détester les humains mais cela relève plutôt d’une énorme déception et d’une redirection de leurs sentiments. Certains n’aiment les animaux que par dépit des humains. Or cela n’est pas un vrai amour qui est un amour de substitution. On dit souvent que l’on n’a pas deux cœurs, un pour les humains et un autre pour les animaux. Cela va aussi dans l’autre sens. Les humains sont des animaux et celui qui n’a pas de cœur pour les humains n’en aura que très difficilement pour les animaux.

  1. La cohérence morale dans la cause animale

Ne nous leurrons donc pas, le véganisme est une lutte contre la domination et le mal que subissent les plus faibles, une aspiration à plus de justice pour tous les êtres sentients. A des moments, ce sont les humains qui sont dans le camp des faibles et des opprimés. Rien ne justifie d’être indifférent à cela sous prétexte que l’on défend les animaux. La souffrance c’est la souffrance, peu importe l’être qui la ressent. On ne peut être indifférent à la souffrance d’un humain sans devenir froid envers tout être sentient.

Animaux humains et non-humains, c’est le même combat qu’il s’agit de mener. Un combat contre toutes ces structures qui broient les êtres, un combat contre tout ce malheur intentionnellement provoqué, un combat contre ce qui empêche chaque être sentient de s’épanouir. En cela, nous sommes tous égaux et l’espèce n’a aucune pertinence. Ce qui compte c’est notre qualité d’être sentient.

Ainsi, ceux qui divisent arbitrairement les êtres entre ceux qu’il faudrait défendre et ceux envers lesquels on peut être indifférents n’ont pas compris le sens de ce combat et sont encore dans la haine de quelque chose. Pour eux, « défendre » les animaux n’est souvent qu’une justification de leur haine des humains. Or il n’y a aucune justification pour haïr les humains dans l’ensemble et encore moins ceux qui appartiennent à un peuple ou à une ethnie différents des nôtres. La cause animale ne doit pas être le camouflage de la haine des humains. On peut s’employer à défendre les animaux sans s’employer à défendre les humains (notre temps et notre énergie sont limités). Mais on ne peut pas défendre les animaux et accepter l’oppression des humains. Ceux qui font cela appliquent ni plus ni moins un principe discriminatoire en fonction de leurs préférences personnelles, autant dire que tout ce qui les intéresse c’est seulement leur propre système de valeurs. C’est ce que l’on appelle être égocentrique, voire égoïste.

De plus, la cause animale doit envoyer aux humains un message de solidarité et d’opposition à toutes les formes de discrimination. On ne réussira jamais à aider les animaux si nous ne réussissons pas à attirer de notre côté beaucoup d’humains. Or, les idées racistes, xénophobes, homophobes et autres ne font qu’éloigner ceux qui pourraient adhérer à notre cause. Le reproche nous est vite fait de n’aimer que les animaux et de détester les humains. C’est ainsi que nous comptons attirer le plus de militants possible ? En fermant les yeux sur des discriminations et des idées absolument inacceptables ? La fin ne justifie pas les moyens. Elle ne les excuse pas non plus. Mais de toute façon, sans faire adhérer la majorité des humains à nos idées nous n’avons absolument aucune chance de bien aider les animaux. Et cette possible adhésion ne se fera jamais si nous faisons des compromis avec ce qui est inacceptable pour la morale commune. On dit qu’il y a environ 20% de racistes en France (je caricature un peu). Ne serait-il pas plus profitable de s’attirer la sympathie des autres 80% plutôt que de faire l’inverse ? Les potentiels défenseurs des animaux ne se retrouvent pas exclusivement parmi ceux qui ont des idées racistes, tout au contraire. Pourquoi alors, ne serait-ce que pour une question de stratégie (si on laisse de côté la morale), ne pas fermement condamner et exclure tout propos raciste de nos discours ? Préférons-nous sympathiser avec les 20% ? Est-ce stratégiquement raisonnable (encore une fois, je laisse de côté la morale) ? Non, évidemment que non. De même pour les discours homophobes. Le gouvernement autorisera le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels. Les citoyens français sont majoritairement pour. Ne serait-il pas mieux de nous attirer la sympathie de cette majorité ? Vous voyez, quelle que soit la façon de regarder le problème, nous n’avons aucune justification ni aucune raison d’accepter des idées rétrogrades et discriminatoires à l’intérieur de cette noble cause. Mais attention, il ne s’agit pas d’exclure les gens de manière arbitraire, mais seulement de bien définir le cadre et les limites de notre lutte pour éviter tout compromis et tout flou possible. Certains disent qu’il faut aller vers ce qui fait consensus : eh bah, ce qui fait consensus c’est qu’il est moralement inacceptable de discriminer les gens en fonction de leur couleur de peau, de leur culture, de leur sexualité et j’en passe. Si vous voulez faire un consensus, le voilà. Et tout cela, c’est de la politique, nos idées et nos comportements concernent la vie en société, donc la politique. Ce n’est pas une opinion, c’est un fait.

Alors, au-delà de nos différences, il faut nous unir pour que ce monde soit meilleur pour tous et pas seulement pour ceux qui nous intéressent personnellement. Tous les êtres sentients, qu’ils soient ou non aimés par notre « moi », ont le droit à la considération égale de leurs vies et de leurs intérêts. Il faut exclure de la cause animale tout propos et tout comportement propre à créer un monde pire que celui qui existe déjà. Toute discrimination, quel que soit le groupe discriminé, est propre à créer un monde pire que celui présent. Ainsi, tout soutien, acceptation ou indifférence à la discrimination doit être banni de la cause animale. Est en jeu non seulement la cohérence de notre combat, mais aussi le projet du monde nouveau que nous avons la prétention de porter.