Pourquoi R. Enthoven est-il appelé « philosophe » ?

Il m’est arrivé d’écouter ou de regarder Raphaël Enthoven qui, il faut le dire, est plutôt doué dans ce qu’il fait, parler. Aujourd’hui, je viens de le lire et je remarque qu’il est, à cet exercice, bien en dessous de ses capacités intellectuelles. Mais cela ne serait pas très grave si cette défaillance n’était d’abord morale.

Dans un article que vous pouvez lire et télécharger ici, le vulgarisateur de philosophie se victimise et victimise les pro-corrida qui, d’après ses dires, subissent les attaques violentes des anti-corrida.

A la question du titre, « Pourquoi les anti-corrida sont-ils si violents ? » l’auteur n’apporte aucune réponse. Mais ce n’est pas grave, son rôle c’est de vulgariser la pensée des autres.

Passons à l’article lui-même.

R. Enthoven reconnaît que la cause des anti-corrida est noble. Nous le remercions, c’est vraiment gentil de sa part. Mais, car il y a toujours un « mais » quand on commence comme ça, cette cause a des mauvais défenseurs. Certes, ce n’est pas parce qu’on a raison qu’on le dit de manière correcte, respectueuse ou plaisante. Cela, R. Enthoven l’a compris. Et il est vrai aussi que certains d’entre-nous devraient le comprendre. Les malhonnêtes et les faux nous attaqueront toujours sur ce côté-là. Oui, nous devons être irréprochables, ce n’est pas juste mais c’est comme ça.

R. Enthoven cite F. Wolff, le « philosophe » des entreprises de la corrida. « […] la corrida est un art, pathétique et sublime, de « tromper sans mentir ». Évidemment, on évite de raconter tous les « trafics » que les taureaux subissent avant d’entrer dans l’arène : modification des cornes, affaiblissement, solitude. « Tromper sans mentir » dit-il. C’est bien une phrase de sophiste ça et non de philosophe.

Cet art demande « courage, maîtrise de soi et sens de l’honneur ». Selon les calculs d’Élisabeth Hardouin-Fugier, entre 1950 et 2005, en Europe, il y a eu un matador tué pour 45.000 taureaux, ce qui fait 0,002 % de chances pour un humain de mourir au combat. Tu parles d’un courage ! Sur la « maîtrise de soi » il suffit de voir leurs mimiques aux tueurs de taureaux pour comprendre qu’il y a là plutôt de la colère, de la haine, du mépris, de la violence que de la maîtrise. Quant à l’honneur, tuer un innocent qui n’a rien demandé et prendre l’argent à la fin ressemble plutôt à un crime prémédité qu’à de l’honneur.

« Les taureaux sont traités comme des individus » : sélectionnés, élevés et tués dans le seul but de satisfaire les désirs humains, c’est ainsi que d’après F. Wolff on devrait traiter les « individus ». Quid de la définition d’individu ? Allez, vous êtes philosophe bon sang ! Et de plus, vous êtes vous-même un individu. Mais vous n’aimeriez surtout pas être traité de la même manière que l’individu taureau car vous, vous avez plus de valeur, certainement.

« […] qu’à tout prendre, il vaut mieux mourir dans l’arène en défendant sa liberté que dans un abattoir ». À tout prendre, il vaut mieux ne pas être obligé de risquer sa vie pour gagner sa vie. Le taureau a été placé de force dans cette situation, il a été de force rendu esclave. Dans les deux cas, l’abattoir et l’arène, la « noblesse » n’est que dans la tête des humains assoiffés de sang et déficients moralement. Et, à tout prendre, ni l’abattoir ni l’arène. Ce serait encore mieux si on respecte les animaux comme disent le faire les pro-corrida, n’est-ce pas ?

« […] la vraie barbarie serait que l’homme et le taureau courent le même risque. » Déjà, payer et organiser un spectacle où un être humain, être de notre espèce, des fois de notre famille, risque de mourir (même si, encore une fois, le risque est minime) est un acte barbare, immoral et relevant plus de la psychiatrie que de l’art. Mais, en plus de cela, applaudir et se réjouir de la mort et de la souffrance d’un innocent, fût-il d’une autre espèce, ne fait que rajouter du poids aux trois qualificatifs précédents. En tout cas, cette phrase montre aussi le fond de la pensée de R. Enthoven : un humain a plus de valeur morale qu’un taureau, et c’est déjà un présupposé anthropocentrique, et c’est déjà une arrogance injustifiée : c’est ce que l’on appelle spécisme.

Je crois qu’il n’est pas vraiment nécessaire d’écouter Wolff pour connaître ses arguments : ce sont les mêmes que ceux de n’importe quelle personne fortement alcoolisée assistant au crime d’un taureau. Sauf, peut-être, que le langage n’est pas le même. Mais le fond, lui, est identique et l’acte final, art ou soif de sang, est un : la mort d’un innocent.

J’aimerais bien que R. Enthoven définisse les termes «barbarie, terreur, horreur, décadence humaine, boucherie satanique, abrutissement collectif, tortionnaires, psychopathes, tueurs à gages, sadisme jouissif, apologie du sang » mais aussi leur contraire pour voir si le crime d’un taureau et sa préméditation peuvent en être synonymes ou antonymes.

Généralement, un lobby a des intérêts financiers ou idéologiques. Traiter les opposants aux crimes prémédités de lobbyistes c’est non seulement rater la définition du « lobby » mais aussi perdre une occasion de taire son ignorance du sujet. Certes les anti-corrida ont des fois des manières brutales de défendre leur cause mais il ne faut pas se concentrer autant sur ces manières et jusqu’à oublier où sont la vraie violence, la vraie brutalité et les vrais crimes . Au delà de tout soi-disant lobby, il y a la cruelle réalité : et la réalité c’est que, quels que soient les mots et l’idéologie exprimés, le taureau est tué à force de blessures. Vous pouvez appeler cela art ou torture, ce qui compte c’est le vécu du taureau et son vécu, pour peu que l’on soit objectif, ne peut pas être dit enviable : il meurt à se faire transpercer de tous les côtés.

Une autre preuve du spécisme criant de R. Enthoven c’est le terme « bêtes » qu’il utilise pour définir certains des anti-corrida. Premièrement, je m’étonne qu’une revue assez connue (non pas pour sa qualité, mais bon) accepte la publication d’un terme qui pourrait être ressenti comme l’insulte qu’il est. Deuxièmement, je m’étonne (à moitié) qu’un prétendu connaisseur de la philosophie soit aussi enclin à utiliser des mots qu’il serait dans l’incapacité de définir. En effet, la « bêtise » n’est qu’un mot qui ne recouvre que l’incapacité de l’observateur à voir l’étendue d’un acte. Troisièmement, le terme « bête » ne devrait pas être utilisé comme une insulte dans le sens où il pourrait être synonyme d’animal. Or, jusqu’à la preuve du contraire, et dans une vision non-anthropocentrique, c’est à dire dans une vision intellectuellement ouverte et objective, être un « animal » n’est pas un défaut mais un état que beaucoup d’êtres, y compris R. Enthoven, partagent.

Il n’y a pas de désapprobation « imaginaire » de la corrida, sauf pour ceux qui contestent aux sondages toute légitimité et à la démocratie toute valeur.

Oui, bon, le fin philosophe a cru déceler une incohérence psychologique entre ce que les anti-corrida dénoncent et ce qu’ils font. En même temps, je voudrais bien vous voir, vous, dénoncer un acte sans forcément le montrer ou le qualifier. De plus, si mes yeux ne me trompent pas, la photo de votre plaidoirie même montre un taureau ensanglanté. Comment expliquez-vous cela ?

Dans l’ensemble, cet article n’a aucune teneur philosophique et morale. Normal, me diriez-vous, chers lecteurs avisés, il est publié dans l’Express. Mais permettez-moi de vous contredire : je crois que vous vous trompez : ce n’est pas parce qu’il est publié dans l’Express qu’il n’a aucune teneur philosophique et morale, mais c’est seulement parce que son auteur n’en a pas sur ce sujet. Il a bien voulu se défendre mais il s’est enfoncé car clairement il ne voit pas puisqu’il ne regarde que ce qui l’intéresse. J’aimerais dire que vous avez entaché la philosophie, R. Enthoven, mais il ne me semble pas logiquement possible de l’affirmer car on ne peut entacher ce qu’on n’atteint pas.

Pour finir, une dernière petite incohérence dans votre article trouble et confus : « […] la cause qu’ils ont peut-être raison de défendre ». Au début, c’était une cause noble, maintenant elle est « peut-être » défendable ? Décidez-vous car il me semble que c’est contradictoire. Mais vous n’êtes sûrement pas à ça près, n’est-ce pas ?

8 réflexions sur “Pourquoi R. Enthoven est-il appelé « philosophe » ?

  1. Mon avis est que cet article est excellent! Je ne vois rien de philosophique dans la pensée, ni même les réactions immatures de cet homme que je vois plutot comme un aficionado refoulé et honteux.Traiter les anti corrida de violents est insultant j’y était à Rodilhan et la violence indicible ne venait pas de nous, la violence est dans l’arène.

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  2. Je ne suis pas un militant ant-corrida, bien que je désapprouve fortement ce genre de . . . je ne sais pas ce que c’est ontologiquement et manifestement (art sadique, spectacle sacrificiel, exutoire erotico-politique, . . .Cependant je un anti-pseudo philosophe forcené, pour la plupart « philosophâtres et pitoyables sires ».

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  3. Votre réponse est très pertinente et j’ai bienheureuse de la lire. Je suis moi-même intervenue à plusieurs reprises auprès de R.E. en étant toujours très respectueuse et en essayant de lui expliquer pourquoi, je suis anti corrida. Voici la copie de mon dernier courrier qui relève un mensonge de F.W fait au cours de la fameuse émission (je suis aussi intervenue au sujet de ce mensonge flagrant sur Newsring puisqu’une contribution pertinente y a été faite sur le sujet) http://www.newsring.fr/societe/1192-faut-il-interdire-la-corrida/28763-m-enthoven-on-na-pas-le-droit-de-faire-lapologie-dune-pratique-delictueuse. mon dernier mail:

    « Monsieur Enthoven,

    F.Wolff n’est-il pas tout simplement pas un imposteur? Comment qualifier
    autrement celui qui vous a menti alors que vous étiez son hôte et en a
    oublié qu’il se trouvait à une émission publique en déclarant, à propos de
    Jose Padilla (à 10’04 ») : » être torero, c’est faire ce qu’a fait Padilla
    victime d’un accident effroyable: ne pas hésiter à se relever et ne pas
    quitter la scène avant de pouvoir liquider son adversaire » (sic). Faux, ceci
    est totalement faux, comme le prouvent les images des diverses vidéos de
    cette corrida, voir liens ci-dessous (dans l’état où il se trouvait, je ne
    vois pas comment il aurait pu « liquider » son adversaire d’autant que cette »
    course » en était au second tercio et qu’il est très visible que Padilla
    avait peur du taureau avant l’accident).
    Si c’est ainsi que F.Wolff met sa raison au service de sa passion
    (déclaration faite à deux reprises lors de cette émission), permettez-moi de
    douter de sa crédibilité et de celle qu’il tente de donner à la corrida. Il
    est navrant pour lui qu’il soit aveuglé par sa passion, au point qu’il en
    oubliât, lors de ce tournage, que d’autres yeux pouvaient le ramener à la
    raison d’un fait facilement vérifiable.
    Ses exemples, mauvais livres pour mauvaises corridas, fautes de grammaire
    pour les diverses « tortures » faites au taureau afin de le « préparer » à
    cette mascarade ne peuvent non plus abonder dans le sens du raisonnable.Il
    évacue par des raccourcis faciles ce qui le dérange. Est-ce bien raisonnable
    d’être ainsi sourd et aveugle?
    Comment pouvons-nous accepter un tel discours facile, si lénifiant? Il ne
    vous faut pas aller trop vite pour qualifier vos téléspectateurs
    d’imprécateurs quand on n’a pas, soi-même, pris soin de vérifier les dires
    du Sieur Wolff.
    C’est pourquoi, il serait avisé de la part d’Arte d’inviter une autre voix
    qui pourra donner un sens plus fiable à votre chaîne.
    Actuellement, le mensonge de M.Wolff, transmis par Arte, vogue sur les
    réseaux sociaux.
    Bonne journée.
    F.Pitrel. »
    voici la source :http://www.youtube.com/watch?v=B1pt7kiWQv8

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      • Bien entendu que non mais a t-il lu ce message?
        Aujourd’hui, j’ai posté cela sur sa page et sous l’article de l’Express sorti sur le net (ici en 2 parties puisque trop long) :

        « Bonjour Monsieur,

        J’ai pris connaissance de votre article de l’Express. Pardonnez- moi d’y revenir et d’en faire une courte critique.
        Pour l’ensemble de ce texte, il me semble que vous écrivez sous l’emprise de la colère et que vous auriez dû, en prenant un peu de recul, saisir le sens et la mesure des réactions que vous avez suscitées à la suite de cette émission. En effet, vous avez pris conscience qu’avec Internet le lobby des médias rencontre, face à lui, des voix qui s’élèvent pour remettre en question « La voix de son maître » et vous ne vous êtes arrêté qu’à ceci qui vous dérange.
        Quant à certifier qu’aucun des « imprécateurs » n’a regardé l’émission, c’est un peu gros… Personnellement, je vous ai apporté la preuve d’un mensonge diffusé lors de la dite émission en vous en donnant à la fois le moment de cette fausse affirmation et la preuve (certes avec une vidéo assez violente mais il faut savoir appeler un chat un chat d’autant que les images violentes, ce ne sont pas les personnes opposées à la corrida qui en sont à l’origine ). A vous croire, nous sommes un virus, des pitbulls, voire une meute violente assoiffée de sang dont nous nous délectons pour défendre notre cause à l’aide de récits morbides.
        Ce dernier anathème me fait vous poser une question : avez-vous fait un tour sur les sites des associations humanitaires? Si je faisais comme vous, je répondrais « sans doute que non » et, à votre instar, que ces organismes donnent dans le sordide puisqu’ils ne montrent pas des images d’enfants dans le confort douillet d’une famille aisée mais « in situ ». Un peu de réalisme ne nuirait pas à votre propos.
        Je passe sous silence tous les détails hargneux dont vous vous délectez à nous affubler, allant même jusqu’à affirmer que les plus fous d’entre nous sont ceux qui militent pour le respect de la vie (animale, je suppose). Si, pour vous, c’est la définition de la folie, il vous faudrait réviser vos notions de la vie (fusse t-elle humaine ou animale). De loin, je préfère ceux qui, partout où il y a maltraitance, luttent pour faire comprendre ce qu’est la souffrance (mais c’est vrai qu’au début du siècle, on opérait les bébés sans les anesthésier et les animaux jusqu’il y a peu de temps). La vie, c’est cela aussi, le changement pour un monde qu’on espère meilleur pour tous les êtres faibles même si c’est difficile à faire comprendre. Une preuve encore puisque vous êtes passé à côté et n’avez voulu voir que la symbolique qui vous intéresse.
        Encore un tout petit détail, avez-vous contrôlé la légende de la photo qui illustre votre article? En avez-vous mesuré la contradiction?
        Pour conclure, je vous renvoie à la méditation de votre citation de Spinoza.
        Bonne fin de journée.
        F.Pitrel »

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  4. En parlant de violence des anti corridas , dont je fais partie, que pense Mr Enthoven de la violence des pro corridas à Rodilhan ? les manifestants n’ont pas répondu à leur violence , plusieurs maires et des forces de police étaient présents, n’ont rien fait, ont même filmé le lynchage de ce jour là. J’aimerais bien avoir son avis sur ce sujet !!!

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