Documentaire très intéressant (voir plus bas) quand on réfléchit en profondeur au sens du travail et à l’obligation presque morale où nous en sommes d’en chercher un sous peine d’être humainement déclassé. Il est aussi intéressant de voir les techniques de marketing les plus sales ou d’entendre un sociologue parler du revenu minimum universel. Nous sommes effectivement dans une société du travail, je veux dire où le travail est une valeur à tel point que celui qui le perd se sent mal dans sa peau et ressent une perte de valeur de sa personne. Quel rêve plus grand pour tous ceux qui veulent se faire de l’argent sur le dos des autres que de donner l’illusion que notre humanité passe par le travail salarié ?
Mais il y a une chose qui est très gênante et qui détruit la cohérence du documentaire : les personnes au RMI qui sont interrogées disent toutes avoir échappé à ce monde fou où seul le travail compte ; elles ont du temps pour lire, se promener, voir leurs amis… vivre quoi ; elles sont moins stressées et plus riches intérieurement ; elles critiquent à juste titre un système qui opprime des millions de gens pour enrichir quelques-uns ; et elle disent avoir choisi de ne plus rechercher du travail pour justement profiter de leur vie et ne plus contribuer à ce système immonde. Oui, elles n’y contribuent plus et elles vivent leur vie… sur le dos de tous ceux qui sont encore « dans le système » et qui cotisent pour que d’autres puissent « être libres et heureux ». Car, malheureusement, il ne s’agit pas là d’un acte révolutionnaire mais bel et bien d’un profit déguisé (et peut-être inconscient) : avec quel argent ces gens profitent-ils de leur vie ? Avec celui de ceux qui, pour diverses raisons, ne peuvent pas ou ne veulent pas arrêter de travailler, avec celui des hommes et des femmes qui ont des familles à nourrir et dont on prend une partie de l’argent pour le donner à ceux qui ne veulent pas soutenir le système mais veulent bien en avoir les bénéfices… Certains d’entre-eux disent qu’ils ont cotisé, donc qu’ils ont droit à des allocations. Évidemment, c’est juste. Sauf qu’il suffit de faire un simple calcul pour comprendre qu’avec leurs cotisations, ils pourraient vivre très peu de temps… En effet, les cotisations assurance chômage sont de 2,4 % du salaire brut (je ne sais pas si à l’époque c’était pareil). Pour un salaire de 1500 euros brut par mois, un salarié paye 36 euros d’assurance chômage par mois. Donc, s’il travaille 10 ans à ce rythme, il cotise au total pour la somme de 4320 euros. Combien de mois vit-on avec une telle somme ? Très peu de mois… L’idée c’est que les cotisations de chacun sont insuffisantes pour vivre si on veut les « reprendre ». Si on veut vivre plus ou moins décemment pendant plusieurs années, on compte sur les cotisations de tout le monde, donc sur la solidarité. Dire « je ne travaille plus pour vivre ma vie mais j’accepte les allocations au-delà de ce que j’ai cotisé» c’est rompre le cercle de la solidarité qu’on vante tant par ailleurs en critiquant le capitalisme…
Qu’est-ce à dire, au fond ? Qu’on n’a pas le droit au chômage ? Que les chômeurs sont des profiteurs ? Non. Seulement que si on choisit de refuser le système, eh bah… il faut refuser aussi d’en avoir les bénéfices. C’est cela être honnête et cohérent. Je parle donc des gens qui font cela (soi-disant) par choix idéologique et non, bien sûr, des gens qui sont fatigués, malades, en difficulté psychologique etc. et qui, de fait, on du mal à revenir dans le « système ».